Contrôle des concentrations : de nouvelles considérations « vertes »

La prise en compte des enjeux de développement durable passe aussi par le contrôle des fusions et acquisitions, lequel garantit en particulier que les rapprochements entre concurrents ne réduisent pas l’innovation. En effet, en veillant à ce que des opérations de concentrations ne nuisent pas à la concurrence, l’Autorité protège et encourage l’innovation afin que les entreprises continuent de développer de nouvelles technologies, de nouveaux savoir-faire ou encore de meilleurs produits qui conduisent à des améliorations environnementales et durables.

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En matière de contrôle des concentrations, la définition des marchés pertinents constitue une étape essentielle, dans la mesure où elle permet d’identifier le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre entreprises et d’apprécier, dans un second temps, les pouvoirs de marché respectifs des acteurs en présence. À la faveur de l’examen des opérations qui lui sont soumises, l’Autorité est de plus en plus souvent amenée à définir et examiner ce que l’on appelle les nouveaux marchés « verts ».

Examen de l’opération relative à l’entrée de Storengy, filiale d’Engie, au capital de DMSE

Examen de l’opération relative à l’entrée de Storengy, filiale d’Engie, au capital de DMSE

Ainsi par exemple, à l’occasion de l’examen de l’opération relative à l’entrée de Storengy, filiale d’Engie, au capital de DMSE, l’Autorité a examiné, pour la première fois en janvier 2021, les marchés de la production et de la distribution d’hydrogène, ainsi que le marché du développement, de la construction et de l’installation de stations à hydrogène. L’Autorité a estimé que bien qu’à l’issue de l’opération, DMSE serait le seul opérateur actif sur le marché de la distribution d’hydrogène dans l’agglomération dijonnaise, cette position n’était pas nécessairement problématique, compte tenu du caractère émergent et en pleine expansion du marché. Prenant en considération l’existence de concurrents potentiels et l’absence de barrière à l’entrée sur ce marché, elle a considéré que cette situation ne soulevait pas de difficultés de concurrence.

Par ailleurs, au vu de l’importance de l’électricité dans le processus de production de l’hydrogène par électrolyse, l’Autorité a également apprécié les effets de l’opération sur le marché de la fourniture au détail d’électricité. À cette occasion, elle s’est interrogée sur la nécessité d’identifier un segment distinct de la fourniture au détail « d’électricité verte », regroupant les offres vertes d’électricité qui s’appuient sur de l’électricité produite à partir d’énergie renouvelable ou couverte par des certificats de garantie d’origine. À cet égard, elle a constaté le développement croissant de ces offres qui s’appuient principalement sur le mécanisme des certificats de garanties d’origine et sur l’accroissement de la demande des consommateurs (entreprises, collectivités territoriales et particuliers). Au regard de ces éléments, elle a constaté une moindre substituabilité entre la fourniture au détail d’électricité verte et celle de l’électricité traditionnelle, ce constat semblant suggérer l’existence d’un marché spécifique de fourniture au détail d’électricité verte.

L’Autorité a néanmoins décidé de laisser cette question encore ouverte à ce stade, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée, quelle que soit la segmentation retenue. Au terme de son analyse, l’Autorité a donc autorisé cette opération sans la soumettre à des conditions particulières.

Examen de la création de l’entreprise commune GMOB par les sociétés AGI, EDF PEI, Genak et SAFO

En octobre 2021, l’Autorité a examiné la création de l’entreprise commune GMOB par les sociétés AGI, EDF PEI, Genak et SAFO, qui sera active dans le secteur des bornes de recharge publiques pour véhicules électriques en Guadeloupe et, dans un second temps, en Martinique et en Guyane. À cette occasion, l’Autorité a examiné pour la première fois le marché amont de la fourniture des bornes de recharge pour véhicules électriques ainsi que le marché aval de l’installation et de l’exploitation des bornes de recharge pour véhicules électriques. Au terme de son analyse, l’Autorité a donc autorisé cette opération sans la soumettre à des conditions particulières.

Les préférences des consommateurs pour des produits durables ont également déjà été prises en considération dans le secteur agroalimentaire (Carrefour / Bio c' Bon)

Les préférences des consommateurs pour des produits durables ont également déjà été prises en considération dans le secteur agroalimentaire (Carrefour / Bio c' Bon)

Par exemple, dans la décision n° 21-DCC-161 du 10 septembre 2021 autorisant sous conditions la prise de contrôle par Carrefour de 100 magasins Bio c’ Bon, l’Autorité a identifié l’existence (i) d’un marché amont de l’approvisionnement en produits biologiques et (ii) d’un marché aval de la distribution au détail de produits biologiques. À l’amont, l’Autorité a relevé la spécificité du circuit d’approvisionnement en produits biologiques à destination des grandes surfaces spécialisées dans la distribution de produits biologiques (ci-après, « GSS »). À l’aval, l’Autorité a considéré, d’une part, que les produits conventionnels et les produits biologiques n’étaient pas substituables aux yeux des consommateurs et, d’autre part, que les grandes surfaces alimentaires ne représentaient pas un substitut aux GSS du point de vu des clients de celles-ci.

Projet d’acquisition par le groupe Ardian de la Société du Pipeline Méditerranée-Rhône

Projet d’acquisition par le groupe Ardian de la Société du Pipeline Méditerranée-Rhône

Enfin, en mai 2021, l’Autorité a adopté une décision d’interdiction du projet d’acquisition par le groupe Ardian, notamment actif dans les secteurs du transport, des télécoms et des énergies renouvelables, de la Société du Pipeline Méditerranée-Rhône (SPMR), active dans le transport d’hydrocarbures par oléoducs. Le groupe Ardian faisait notamment valoir qu’il orienterait la politique commerciale de la cible dans le sens de la transition énergétique et que ce « gain » était spécifique à la concentration projetée. Si l’Autorité a rejeté cette analyse compte tenu des faits de l’espèce, elle a néanmoins précisé que des gains de nature écologique pourraient, en théorie, être recevables en vue de contrebalancer les risques d’atteinte à la concurrence liés à une opération de concentration.

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