Rachat de magasins Casino par Intermarché : l’Autorité de la concurrence autorise l’opération sous réserve de la cession de trois magasins
L’essentiel
Le 13 juillet 2023, Intermarché a notifié à l’Autorité de la concurrence son projet d’acquisition de 61 magasins de distribution à dominante alimentaire sous enseigne du groupe Casino.
Afin de tenir compte de la situation économique difficile des magasins, l’Autorité a accordé au groupe Intermarché, à sa demande, une dérogation à l’effet suspensif du contrôle des concentrations [1]. Conformément au régime applicable, cette dérogation, qui a permis à Intermarché de réaliser l’opération sans attendre la décision de l’Autorité, ne préjugeait en rien de la décision finale prise par l’Autorité, qui à l'issue de son instruction et de son analyse concurrentielle pouvait remettre en cause certaines des acquisitions en considérant que des remèdes seraient nécessaires. Dans ce cadre, Intermarché a réalisé l’opération en septembre 2023.
Après examen attentif de l’opération de rachat, l’Autorité a autorisé le rachat des magasins cibles sous réserve d’engagements présentés par Intermarché incluant la cession de trois magasins.
Les parties à l'opération
Intermarché exploite différentes enseignes dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire telles que Intermarché, Netto (maxi-discompte) et les comptoirs de la bio.
Intermarché et les magasins cibles sont actifs sur les marchés aval de la distribution à dominante alimentaire. Intermarché est également actif comme offreur, notamment à travers la filiale Agromousquetaires, et comme acheteur sur les marchés de l’approvisionnement en biens de consommation courante sur lesquels les magasins cibles sont également présents comme acheteurs.
L’Autorité a pu écarter tout problème de concurrence sur le marché de l’approvisionnement
L’Autorité a considéré que l’opération n’était pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat d’Intermarché sur les marchés amont de l’approvisionnement en biens de consommation courante, compte tenu de la faiblesse de la part d’achat des 61 magasins cibles. L’Autorité a également constaté que l’opération n’était pas susceptible de placer les fournisseurs des parties en situation de dépendance économique.
L’Autorité a également examiné les effets verticaux [2] de l’opération compte tenu de la création d’un lien entre l’activité de production de biens de consommation courante d’Intermarché et l’activité de distribution à dominante alimentaire des magasins cibles. Tout risque a été écarté compte tenu des parts de marché d’Intermarché et des parts d’achat des 61 magasins cibles.
Les risques d’atteinte à la concurrence au détriment des consommateurs locaux détectés dans trois zones de chalandise
À l’issue de son analyse, l’Autorité a en revanche conclu que l’opération risquait d’entraver la concurrence dans les zones de chalandise entourant les magasins cibles situés à Lons-le-Saunier (39), à Plouaret (22) et à Vals-près-le-Puy (43).
En effet, l’Autorité a considéré que dans ces zones où Intermarché renforcerait significativement son pouvoir de marché à l’issue de l’opération, il ne demeurerait pas d’alternatives crédibles et suffisantes à Intermarché. Cette situation risquait d’entraîner des hausses de prix ainsi qu’un appauvrissement de la diversité de l’offre au détriment des consommateurs dans les zones concernées.
Intermarché a présenté des engagements consistant en trois cessions de magasins pour résoudre les problèmes de concurrence identifiés
Afin de remédier à ces préoccupations de concurrence, Intermarché s’est engagé à céder à un ou plusieurs concurrents les anciens magasins Casino de Lons-le-Saunier (39), Plouaret (22) et Vals-près-le-Puy (43). Ces engagements permettront de garantir le maintien d’une concurrence suffisante et de protéger les intérêts des consommateurs sur les marchés concernés.
Les magasins concernés par les cessions sont les suivants :
Zone concernée | Enseigne | Adresse |
---|---|---|
Lons-le-Saunier | Intermarché Hyper | Rue des Salines, Lons-le-Saunier (39000) |
Plouaret | Intermarché Contact | Rue du Général de Gaulle, Plouaret (22420) |
Vals-près-le-Puy | Intermarché Hyper | Avenue Jeanne d’Arc, Vals-près-le-Puy (43750) |
L’Autorité veillera à la bonne réalisation des engagements permettant le maintien d’une concurrence efficace et la continuité de l’exploitation des magasins concernés
Les repreneurs présentés devront être agréés par l’Autorité, qui s’assurera qu’ils seront à même de constituer une offre alternative crédible en matière de distribution alimentaire, dans chacune de ces zones. L’Autorité sera vigilante à ce que l’acquéreur présente les compétences et les capacités financières adéquates pour exploiter de façon pérenne et développer l’activité des magasins cibles. Les cessions devront comprendre l’ensemble des éléments nécessaires au maintien de la viabilité de l’activité et intégrer le personnel employé dans les magasins concernés avant leur reprise par Intermarché.
Cession de magasins ne signifie pas fermeture des magasins, mais reprise avec changement d’enseigne afin d’écarter les risques de hausses de prix et/ou d’appauvrissement de l’offre au détriment du consommateur
Les engagements servent à maintenir un dynamisme suffisant de la concurrence au plan local.
Leur objectif est de permettre la reprise des magasins et de leur activité par une enseigne concurrente afin de maintenir l’animation concurrentielle dans la zone concernée et ainsi de garantir aux clients une offre diversifiée en prix et en produits. Le processus de cession de magasins fait l’objet d’un examen attentif par l’Autorité dans les mois qui suivent la décision autorisant l’opération. Le titulaire de l’autorisation doit proposer à l’Autorité des repreneurs qui sont aptes à assurer une reprise dans de bonnes conditions de validité, ces repreneurs devant ensuite exercer une concurrence effective. C’est au terme de l’examen de ces repreneurs qu’un agrément peut être délivré par l’Autorité, ce qui autorisera la cession effective du magasin en cause.
Ces cessions ne signifient donc pas fermeture des magasins, mais reprise avec changement d’enseigne.
Qu'est-ce que la dérogation à l’effet suspensif ?
Si la réalisation effective d'une opération de concentration ne peut intervenir qu'après l'accord de l'Autorité de la concurrence, dans certaines circonstances exceptionnelles, dûment motivées par les parties, l'Autorité peut octroyer une dérogation leur permettant de procéder à la réalisation effective de tout ou partie de l'opération sans attendre la décision d'autorisation et ce afin de permettre la poursuite de l’activité.
L'octroi d'une telle dérogation est exceptionnel. Une dérogation peut être accordée notamment dans le cas où la cible rencontre des difficultés, par exemple financières, importantes qui mettent en péril sa viabilité, comme c’était le cas en l’espèce.
L'octroi d'une dérogation par l'Autorité ne préjuge toutefois en rien de la décision finale prise à l'issue de l'instruction, l’Autorité pouvant imposer des remèdes (par exemple, cessions) voire interdire l’opération si celle-ci porte atteinte à la concurrence.
[1] Dérogation accordée en application de l’article L. 430-4 du code de commerce par lettre du 9 août 2023.
[2] Les effets verticaux sont étudiés lorsque l’opération réunit des acteurs présents à différents niveau de la chaîne de valeur. L’Autorité étudie si l’opération peut permettre à l’entité d’évincer les concurrents ou de les pénaliser par une augmentation des coûts.
Décision 24-DCC-02 du 11 janvier 2024
Le texte intégral sera mis en ligne après traitement des demandes de secret des affaires de la partie notifiante.