L'Autorité de la concurrence sanctionne un cartel dans le secteur des panneaux de signalisation routière verticale
L’Autorité de la concurrence sanctionne 8 entreprises, dont des acteurs majeurs du secteur, pour s’être entendues pendant une dizaine d’années sur la quasi-totalité des marchés lancés par les collectivités publiques en France.
Alerté notamment par des articles de presse, le Conseil de la concurrence (auquel l’Autorité de la concurrence a succédé) s’est saisi d’office en 2007 de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale. A cette saisine se sont jointes deux autres plaintes de fabricants de panneaux de signalisation et d’équipements de sécurité et de balisage.
L’Autorité de la concurrence rend aujourd’hui une décision par laquelle elle prononce une sanction à hauteur de 52,7 millions d’euros à l’encontre de 8 entreprises du secteur pour s’être entendues entre 1997 et 2006 sur la répartition des marchés de signalisation routière verticale (panneaux métalliques de signalisation routière verticale permanente et temporaire) et les prix. Elle sanctionne également deux autres entreprises pour abus de position dominante sur le marché des équipements de sécurité et de balisage en plastique et sur celui des films plastiques rétro-réfléchissants (2 229 000 euros).
Une entente très sophistiquée…
Les éléments du dossier ont révélé l’existence de concertations organisées entre les fabricants de panneaux de signalisation routière. Les entreprises membres de l’entente se réunissaient très régulièrement et se répartissaient les marchés publics selon des règles préétablies figurant dans un document intitulé « Règles ». Les prix et les remises tarifaires qui pouvaient être appliquées aux acheteurs y étaient aussi précisées. Enfin, une « liste noire » destinée à exclure certains revendeurs jugés indésirables avait été établie afin qu’aucune relation commerciale ne soit entretenue avec eux. D’autres documents intitulés « Patrimoines » précisaient, quant à eux, les marchés à bons de commande qui devaient revenir à chaque entreprise de l’entente, ce qui figeait ainsi les parts de marché de chacune.
Chaque société adhérente du « club » devait respecter ces règles de fonctionnement. « Ce document est en effet notre bible et chacun doit s’y tenir » a ainsi déclaré un dirigeant. En cas de non-respect, le contrevenant se voyait infliger des pénalités financières. Des compensations étaient également prévues en cas de « dysfonctionnement » de l’entente, c’est-à-dire lorsque la collectivité qui avait lancé l’appel à concurrence attribuait le marché à une entreprise qui n’avait pas été celle désignée comme devant l’avoir.
… qui a couvert l’ensemble du territoire national pendant près de 10 ans
Le cartel couvrait l’ensemble du territoire national, les accords de répartition portant sur la quasi-totalité des marchés passés par l’État, les collectivités territoriales et les services chargés de la gestion d’autoroutes.
Ces pratiques, mises en œuvre à partir de 1997, n’ont pris fin qu’en mars 2006, date à laquelle une perquisition, menée lors d’une réunion du « club » dans un grand restaurant parisien, a mis au jour le cartel.
Des pratiques graves qui ont impacté les comptes publics
Les clients des membres de l’entente étaient principalement des collectivités territoriales ou des services de l’État. En trompant la concurrence de manière continue et très organisée sur l’ensemble du territoire national pendant près de dix ans, ces pratiques ont affecté les ressources publiques, au détriment des collectivités en charge de la gestion des routes et des autoroutes ainsi que de l’ensemble des contribuables, du fait de la surévaluation artificielle du montant des offres retenues.
Les sanctions prononcées au titre du cartel (total : 52 712 000 euros)
Au vu de ces éléments, l’Autorité de la concurrence a prononcé des sanctions pécuniaires. Pour les déterminer, l’Autorité de la concurrence a tenu compte de la gravité des pratiques en cause, de l’importance du dommage causé à l’économie et de la situation individuelle de chaque société (notamment la durée de leur participation à l’entente). Pour quatre d’entre elles (Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Signaux Laporte et Aximum), elle a majoré la sanction de 20 % à 25 %, puisqu’elles avaient été précédemment sanctionnées pour des pratiques similaires (réitération).
L’Autorité a, en revanche, accordé une réfaction de sanction comprise entre 15 % à 25 % aux sociétés Lacroix Signalisation, Sécurité et Signalisation, Signature, Signaux Girod et Laporte Service Route pour ne pas avoir contesté les griefs et avoir pris des engagements substantiels susceptibles de prévenir la mise en œuvre de telles pratiques à l’avenir.
Entreprises |
Montant de la sanction (en euros)
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Lacroix Signalisation |
7 720 000
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Signature |
18 480 000
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Signaux Girod |
6 940 000
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Sécurité et Signalisation (SES) |
700 000
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Aximum |
17 650 000
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Laporte Service Route |
700 000
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Franche Comté Signaux (FCS) |
356 000
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Nadia Signalisation |
166 000
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La décision sanctionne, par ailleurs, deux autres entreprises pour abus de position dominante (total : 2 229 000 euros)
Entre 2001 et 2007, Sodilor avait refusé d’approvisionner certains fabricants de panneaux de signalisation d’une balise plastique, indispensable pour répondre à certains appels d’offres, qu’elle seule, avec une autre société, pouvait fournir en vertu de l’homologation qu’elle détenait. L’Autorité a prononcé une sanction de 259 000 euros, qui tient compte d’une réfaction de 20 %, Sodilor n’ayant pas contesté les griefs et ayant pris des engagements susceptibles de prévenir la mise en œuvre de telles pratiques à l’avenir. 3M France avait, quant à elle, entre 2003 et 2005, appliqué un système d’accréditation opaque ainsi qu’un barème de remises discriminatoires sur la fourniture de ses films plastiques rétro-réfléchissants. Sa sanction s’élève à 1,97 million d’euros.
L’Autorité de la concurrence rappelle que les victimes du cartel ont le droit de demander réparation de leur préjudice
Les sanctions, qui visent à punir les auteurs d’infractions aux règles de concurrence et à les dissuader de réitérer, afin de garantir l’ordre public économique, sont recouvrées au bénéfice du Trésor public. Mais les collectivités publiques et les personnes privées victimes du cartel, par exemple des sociétés d’autoroutes, disposent du droit de demander par ailleurs réparation du préjudice qu’elles ont subi auprès des tribunaux compétents.