L’Autorité de la concurrence publie trois avis concernant les modalités de mises en œuvre de l’examen du permis de conduire
L'Autorité de la concurrence a notamment émis un avis réservé concernant la méthode de répartition des places d’examen entre auto-écoles.
L’Autorité de la concurrence publie ce jour trois avis qu’elle a rendus au Gouvernement depuis décembre 2015 concernant le permis de conduire. Ces avis portent sur des décrets et arrêtés pris en application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (loi Macron).
Dans un contexte marqué par l’insuffisance du nombre de places d’examen, un ensemble de mesures destinées à améliorer l’organisation du permis de conduire ont été adoptées par le législateur. L’Autorité se félicite de ces réformes qui vont dans le sens d’une plus grande efficacité économique mais attire l’attention du gouvernement sur la nécessité d’assurer aussi une plus grande égalité des chances entre candidats à l’examen et dans la concurrence entre écoles de conduite. Le présent communiqué rend compte des trois dispositifs distincts sur lesquels l’Autorité a eu l’opportunité de se prononcer.
Contexte : des candidats soumis à des délais très longs pour pouvoir se présenter à l'examen
En 2013, 1,74 million d’examens pratiques ont été organisés (dont 1,325 million pour la catégorie B) et 950 000 permis ont été délivrés (dont environ 800 000 permis B, soit un taux de réussite de 60 % dans cette catégorie).
Le système français du permis de conduire se caractérise par des délais très longs pour pouvoir obtenir une place à l’examen. Malgré l’augmentation du nombre d’inspecteurs, ce système reste encore sous tension : si le délai moyen a été ramené à 72 jours fin 2015 grâce à certaines mesures prises en 2014, il reste encore élevé au regard de la moyenne européenne qui est de 45 jours.
Ces délais ont des conséquences économiques importantes pour les candidats : ils renchérissent le coût global du permis de conduire, les élèves devant prendre des heures de cours supplémentaires pour maintenir leur niveau entre deux passages ; ils retardent l’accès au marché du travail, la détention du permis de conduire étant requise pour un grand nombre d’emplois. Ainsi, d’après l’étude d’impact du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, la détention du permis de conduire constitue un critère de recrutement pour 65 % des employeurs.
Ils posent également un problème de sécurité routière : on estime qu’environ 500 000 personnes conduisent actuellement sans permis (soit qu’elles ne l’aient jamais obtenu, soit qu’elles aient perdu tous leurs points).
L'Autorité a émis de fortes réserves concernant un projet d'arrêté fixant la méthode de répartition entre auto-écoles des places d'examen à l'épreuve pratique (avis 16-A-07 du 26 février 2016)
L’Autorité recommande que la méthode de répartition des places d’examen ne repose pas sur l’activité passée de chaque établissement – ce qui fige la dynamique du marché - mais sur les besoins présents des candidats
En France, les places d’examen sont attribuées par chaque préfecture non pas nominativement mais par école de conduite, sauf pour les candidats libres. Au fil des ans, différentes méthodes d’attribution des places se sont succédé. L’article 30 de la loi du 6 août 2015 dispose que la méthode d’attribution des places doit être objective, transparente, non discriminatoire, et ne pas porter atteinte à la concurrence entre établissements. Elle doit aussi assurer l’égal accès des candidats libres à une place d’examen. La répartition doit être en partie fondée sur le nombre d’enseignants de chaque auto-école.
L’Autorité considère que le projet d’arrêté qui lui a été soumis ne respecte ni la lettre ni l’esprit de l’article 30 précité, dans la mesure notamment où la méthode proposée repose toujours sur l’activité passée des établissements, critère auquel le législateur a clairement entendu mettre fin.
Afin que la méthode d’attribution des places ne fausse pas le jeu de la concurrence entre écoles de conduite, l’Autorité recommande que cette méthode ne repose pas sur l’activité passée de chaque établissement mais tienne compte mensuellement de la réalité des besoins : à cet égard, le principal indicateur pourrait être le nombre de candidats ayant déjà réussi l’épreuve théorique et n’ayant pas encore réussi l’examen pratique (et ce quel que soit le nombre de présentations du candidat) au sein de chaque auto-école. Cette population pourrait ensuite être modulée en fonction du nombre d’enseignants de chaque établissement.
Parallèlement, les préfectures doivent garantir le même délai d’attente aux candidats libres, et ce dès la première demande. Dans ce but, l’Autorité recommande que les places attribuées ne puissent plus être cédées entre établissements et que les places restituées par ces derniers soient systématiquement attribuées aux candidats libres.
L’Autorité est favorable, à moyen terme, à la mise en place d’un système d’inscription individuelle directe des candidats
L’Autorité considère que le fait même de maintenir l’intermédiation des écoles de conduites introduit des biais susceptibles de fausser le jeu de la concurrence.
C’est pourquoi l’Autorité recommande à moyen terme - comme c’est déjà le cas au Royaune-Uni - la mise en place d’un système permettant l’inscription individuelle en ligne de tous les candidats, après validation des vingt heures de conduite obligatoires par l’auto-école. Les places seraient attribuées en fonction de la date de dépôt de la demande. Cette réforme impliquerait une modification de l’article L. 213-4-1 du code de la route.
Consulter le texte intégral de l’avis 16-A-07 du 26 février 2016 relatif à un projet d’arrêté réformant la méthode d’attribution des places aux épreuves du permis de conduire
L'autorité a rendu par ailleurs des avis globalement favorables concernant deux projets de décret
L’externalisation de l’organisation de l’épreuve théorique (avis 16-A-04 du 3 février 2016)
La loi du 6 août 2015 a prévu que l’organisation de l’épreuve théorique générale, le « code », puisse être confiée à des opérateurs agréés, et que les frais perçus par ces derniers auprès des candidats soient réglementés par décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence. Le Gouvernement a soumis à l’Autorité un projet de décret définissant les conditions de délivrance d’un agrément aux organisateurs ainsi qu’un projet d’arrêté fixant le prix de l’épreuve et précisant les obligations de couverture territoriale qui s’imposent à eux.
L’Autorité est globalement favorable à la réforme proposée dans la mesure où, en externalisant l’organisation de l’épreuve théorique à des opérateurs en concurrence et en libérant les inspecteurs de cette activité qui ne nécessite pas de qualification particulière, elle va dans le sens d’une plus grande efficacité économique. Toutefois, la délivrance d’agréments par zone géographique –plutôt que sur l’ensemble du territoire national- aurait rendu ce nouveau marché accessible à davantage d’opérateurs. Par ailleurs, la fixation du prix par les pouvoirs publics apparaît difficilement justifiable, alors qu’une concurrence par les prix est possible et souhaitable sur ce marché.
L’Autorité a ainsi émis un avis favorable aux textes soumis, sous réserve des modifications suivantes :
- que le prix de l’épreuve puisse varier selon la prestation, en dessous d’un plafond ;
- que l’ouverture, la fermeture et la modification du nombre de places de chaque site d’examen ne nécessitent pas d’autorisation administrative ;
- que l’obligation de proposer un minimum de places d’examen à Saint-Pierre-et-Miquelon soit assouplie.
L’Autorité relève en outre que l’obligation de présence dans tous les départements fait de ce marché une opportunité de diversification pour La Poste. Le fait qu’un opérateur historique disposant d’un réseau diversifie son activité sur un marché concurrentiel ne pose pas de problème de principe, mais implique qu’il concoure à armes égales vis-à-vis des autres acteurs. Dans des cas similaires, l’Autorité a régulièrement recommandé une séparation à tout le moins comptable entre les activités liées au monopole et celles relatives à la diversification.
Consulter le texte intégral de l’avis 16-A-04 du 3 février 2016 relatif à un projet de décret et à un projet d’arrêté fixant les modalités d’externalisation de l’organisation de l’épreuve théorique générale du permis de conduire
L’encadrement des frais d’accompagnement à l’examen (avis 15-A-15 du 21 octobre 2015)
Le Gouvernement a soumis à l’Autorité un projet de décret définissant, d’une part, les frais de présentation aux épreuves du permis, qui sont désormais interdits, et encadrant, d’autre part, les frais d’accompagnement du candidat à ces épreuves.
Dans la mesure où les candidats sont relativement captifs de leur école de conduite et de la possibilité d’obtenir une place d’examen, l’Autorité considère que la fixation d’un plafond pour les frais d’accompagnement constitue une mesure proportionnée à l’objectif d’intérêt général poursuivi par la loi et permet de mettre un terme aux excès constatés par le passé. En l’espèce, le projet de texte envisage de fixer ce plafond non pas en valeur absolue mais en fonction du prix facturé pour une heure de conduite : il ménage donc un espace de concurrence en prix entre les différentes auto-écoles.
L’Autorité a émis un avis favorable au projet de décret, sous réserve que le texte précise que la prestation d’accompagnement du candidat à l’épreuve théorique est facultative et qu’il prévoit des plafonds différents pour les permis A et B, d’une part, et C et D, d’autre part, dans la mesure où la durée des épreuves pratiques varie d’une catégorie à l’autre.