Achat d’électricité par les industriels électro-intensifs : le Conseil de la concurrence rend son avis sur le dispositif envisagé par le gouvernement
Le Conseil de la concurrence n'est pas opposé au principe de contrats de long terme mais considère que la sélection des industriels doit reposer sur un mécanisme concurrentiel plutôt que sur des critères réglementaires.
Le Conseil de la concurrence vient de rendre l'avis qu'avait sollicité le ministre de l'économie des finances et de l'industrie sur le dispositif envisagé pour permettre aux industries « électro-intensives » de bénéficier de conditions particulières de prix d'achat de l'électricité.
Le contexte : l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité et la situation des « électro-intensifs »
Le marché de l'électricité a été progressivement ouvert à la concurrence à partir de juin 2000. A cette date, les industriels dits « électro-intensifs » (entreprises dont la compétitivité est caractérisée par une très forte sensibilité aux prix de leurs achats d'électricité) ont souvent quitté le système des tarifs régulés et ont opté de manière irréversible pour le marché libre.
Si ce choix était avantageux à l'époque, ce n'est plus le cas aujourd'hui : depuis l'ouverture du marché, les prix de l'électricité sur le marché ouvert n'ont cessé de progresser et ont aujourd'hui largement dépassé le niveau des tarifs régulés.
Les « électro-intensifs » soutiennent que le niveau des prix atteint sur le marché libre n'est pas compatible avec la poursuite de leur activité sur le territoire national et font état de risques de délocalisation de leur activité s'ils ne peuvent bénéficier d'un prix d'achat de leur électricité à un prix inférieur à celui du marché.
A l'issue d'une table ronde organisée avec les acteurs du secteur, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi le Conseil pour avis sur un dispositif reposant sur un montage financier regroupant les industriels au sein d'un consortium, dont le rôle est de rechercher les meilleures conditions de financement et de fourniture électrique.
Le dispositif envisagé
Il est envisagé que le consortium d'industriels puisse acquérir de l'électricité, sous forme de rubans pour une durée de 15 à 20 ans, auprès de fournisseurs sélectionnés après mise en concurrence, en contrepartie d'une prime fixe initiale (dite ‘‘avance en tête'') versée en début de contrat et d'un prix d'enlèvement proportionnel, payé au fur et à mesure de la livraison d'électricité.
Les membres du consortium seraient agréés par arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre de l'économie sous réserve de remplir les critères définis par décret.
Le principe de la constitution d'un consortium et la mise en place de contrats de long terme ne sont pas a priori incompatibles avec le droit de la concurrence
A priori, et sous réserve d'une analyse au fond dans le cadre d'une saisine contentieuse éventuelle, on peut considérer que, d'une part, la création du consortium ne constitue pas une entente horizontale anticoncurrentielle au sens des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE. D'autre part, la conclusion de contrats d'achat d'électricité de long terme n'est pas, par principe, contraire au droit de la concurrence, même si ces contrats sont conclus avec une entreprise en position dominante, à condition toutefois qu'ils ne soient pas susceptibles de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients finals. Il convient donc que le volume de fourniture d'électricité représenté par ces contrats reste limité au regard de la taille du marché concerné.
Le mode de sélection des industriels constitue le point faible du dispositif envisagé et risque d'introduire de fortes distorsions de concurrence
Il apparaît que, quelles que soient les définitions et les méthodes de calcul retenues pour l'établissement de ces critères définis par décret, le risque d'exclure des entreprises qui estiment appartenir à la catégorie des ‘‘électro-intensifs délocalisables'' est inévitable. Il n'existe aucune garantie que deux industriels concurrents dans un même secteur soient tous deux agréés.
Le Conseil souligne que de telles distorsions de concurrence sur les marchés aval seront nécessairement constatées au niveau communautaire dans la mesure où seuls les sites industriels implantés en France peuvent être agréés.
Le Conseil préconise des alternatives afin de répondre à la demande des industriels
A moyen terme, le Conseil suggère de construire un marché de gros liquide pour les produits de long terme, afin de créer les conditions propices à l'émergence d'une concurrence sur les offres de long terme auprès des clients finals.
A court terme, le Conseil propose de conserver le principe général du dispositif envisagé mais en mettant en œuvre un mode de sélection plus concurrentiel, comme par exemple un procédé d'enchères. Tous les acheteurs désireux d'acquérir un tel produit pourraient alors enchérir, sans avoir à satisfaire de critère particulier. Ce mécanisme aurait l'avantage d'être concurrentiel, de n'exclure aucun consommateur a priori et de ne pas nécessiter l'intervention de l'État.