Secteur(s) :
10-A-10
relatif à l’introduction du contreseing d’avocat des actes sous seing privé
AvisMise en ligne le : 27 mai 2010
concernant le fonctionnement du marché français de l’entremise immobilière
Le texte intégral
PDF - 1.84 Mo
Le communiqué de presse
En application de l’article L. 462-1 du code de commerce, l’Autorité rend au Gouvernement le présent avis concernant le fonctionnement du marché français de l’entremise immobilière.
Le professionnel de l’entremise immobilière a pour rôle de faire se rencontrer l’offre et la demande de biens immobiliers sur le marché et de réduire l’asymétrie d’information existant entre le vendeur, qui a une très bonne connaissance de son bien, et l’acheteur. Il réalise un ensemble de prestations destinées à concrétiser la vente ou l’achat d’un bien immobilier.
Les forts enjeux financiers liés à l’acquisition d’un bien immobilier et les conséquences de cet achat sur la vie des ménages en font un marché particulier, fortement réglementé, tant en ce qui concerne les activités d’entremise immobilière que les personnes se livrant à ces activités.
Dès 1960, le législateur français a instauré un principe d’autorisation préalable à l’exercice de la profession ainsi qu’une interdiction de percevoir une quelconque rémunération avant la réalisation effective de la vente. Ce cadre légal et règlementaire, fixé aujourd’hui par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, avait pour objectif de professionnaliser davantage les acteurs de l’entremise immobilière, de restaurer la confiance des ménages à leur égard et de protéger ces derniers dans ce qui représente l’une des transactions les plus importantes de leur vie.
53 ans après l’entrée en vigueur de ce dispositif, l’Autorité considère toutefois qu’il pourrait être assoupli et clarifié, à la lumière notamment de plusieurs séries d’évolutions.
En premier lieu, l’essor du numérique et la politique d’open data mise en œuvre par les pouvoirs publics ont contribué à réduire l’asymétrie d’information entre le professionnel de l’entremise et son client. Ainsi, acheteurs et vendeurs peuvent faire appel à un professionnel de l’entremise ou mener à bien directement leurs transactions. Aujourd’hui, le premier concurrent du professionnel de l’entremise est le particulier lui-même.
En deuxième lieu, le droit de la consommation a connu des évolutions notables ces dernières années dans un objectif de renforcement de la protection économique des consommateurs. Ainsi, le dispositif spécial mis en place par la loi Hoguet ne se justifie plus totalement.
En troisième lieu, le cadre légal et règlementaire applicable à l’entremise immobilière n’a pas empêché l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché, réseaux de mandataires ou plateformes de diffusion en ligne d’annonces immobilières, sans que le nombre de litiges ou de contentieux ait particulièrement augmenté ou sans que ceux-ci aient plus particulièrement concerné ces nouveaux entrants.
En effet, les têtes de réseaux de mandataires ont su exploiter la possibilité, offerte par la loi au titulaire de la carte professionnelle, de déléguer leurs pouvoirs à des personnes ne remplissant pas les conditions d’accès à la profession. L’arrivée sur le marché de ces agents commerciaux n’a pas entraîné pour autant de dysfonctionnement particulier en termes de protection des consommateurs.
En outre, les plateformes de diffusion en ligne des annonces immobilières, expressément exclues de l’application de la loi Hoguet, proposent des prestations annexes à la diffusion des annonces qui présentent de fortes similitudes avec celles qui sont constitutives d’entremise immobilière mais ne sont pas soumises aux contraintes imposées par la loi Hoguet comme le principe de la rémunération au résultat. Les particuliers paient ces prestations avant la réalisation effective de la vente, ce qui est susceptible de constituer un avantage concurrentiel injustifié.
En quatrième lieu, l’arrivée des acteurs plus récents sur le marché, en particulier les coachs immobiliers et les acheteurs instantanés ou ibuyers démontre que les dispositions de la loi Hoguet tendent à être contournées afin de permettre la création de services innovants.
Enfin, les professionnels de l’entremise immobilière externalisent certaines prestations, en particulier la visite du bien. Or, des sous-traitants pourraient proposer directement ces services aux particuliers.
Ainsi, le fonctionnement actuel du marché, conjugué à des évolutions technologiques importantes, conduit à s’interroger sur l’adéquation du cadre légal et règlementaire actuel, l’instruction du présent avis ayant démontré, d’une part, que tous les professionnels de l’entremise immobilière ne sont pas soumis aux mêmes règles, ce qui est susceptible d’entraîner des distorsions de concurrence injustifiées et que, d’autre part, certaines défaillances de marché actuelles sont, au moins partiellement, dues à la rigidité de la loi Hoguet. C’est le cas en particulier du principe de la rémunération au résultat qui est l’un des facteurs pouvant expliquer le niveau élevé des taux de commission en France, parmi les plus élevés de l’Union européenne (en 2018, les taux de commission en France étaient de 5,2 % hors taxe3 alors que la moyenne de l’Union européenne était d’environ 3,5 % hors taxe). En outre, si l’essor du numérique et la politique d’open data mise en œuvre par le Gouvernement ont contribué à réduire l’asymétrie d’information entre le professionnel de l’entremise immobilière et son client, des progrès restent à accomplir en matière de protection des consommateurs.
À la lumière des constatations exposées dans le présent avis, l’Autorité recommande au Gouvernement d’envisager une réforme visant, d’une part, à renforcer encore la protection économique des consommateurs et, d’autre part, à assouplir les conditions d’exercice de l’activité d’entremise immobilière.
Dans ce cadre, l’Autorité propose deux options d’assouplissement de la loi Hoguet. Une option n° 1 visant à assouplir les conditions dans lesquelles les professionnels de l’entremise immobilière proposent leurs services et une option n° 2 qui s’attache principalement à clarifier le périmètre de la loi Hoguet et à simplifier les conditions d’accès à la profession. Quelle que soit l’option retenue, l’Autorité propose un certain nombre de recommandations visant à améliorer l’information des consommateurs sur les prix et les conditions de vente des biens immobiliers.
L’Autorité a traduit juridiquement ces recommandations en propositions de modifications législatives et règlementaires. Elles figurent en annexe du présent avis.
Les recommandations de l’Autorité visent à réduire le coût des prestations de l’entremise immobilière et à en améliorer la qualité. L’Autorité estime que si les taux de commission en France étaient ramenés à la moyenne de l’Union européenne, un gain annuel de 2,9 milliards d’euros4 serait dégagé au bénéfice des ménages à nombre de transactions inchangé. Dans un contexte de forte augmentation des taux d’intérêt et d’orientation croissante des offres de biens immobiliers vers une démarche de développement durable (performance énergétique, lutte contre les gaz à effet de serre), l’option n° 1 consistant à renforcer la protection économique des consommateurs tout en assouplissant les conditions dans lesquelles les professionnels proposent leurs services paraît devoir être privilégiée. Elle contribuerait à soutenir le pouvoir d’achat et l’accès au logement.
Origine de la saisine | Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique |
---|---|
Dispositif(s) |
|
Fondement juridique |