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23-A-13
concernant un projet de décret relatif à diverses prestations réalisées dans le cadre du registre des sûretés mobilières et modifiant certaines dispositions du code de commerce
AvisMise en ligne le : 11 octobre 2023
relatif au projet d’encadrement réglementaire du montant des commissions perçues par les émetteurs de titres-restaurant sur les commerçants agréés par la Commission Nationale des Titres-Restaurant
Le texte intégral
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Le communiqué de presse
L’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a été saisie par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur le fondement de l’article L. 462-1 du code de commerce, pour avis portant sur la pertinence d’un projet d’encadrement réglementaire du montant des commissions perçues par les émetteurs de titres-restaurant sur les commerçants agréés par la Commission Nationale des Titres-Restaurant (« CNTR »).
Pour rappel, les titres-restaurant sont des titres spéciaux de paiement, dont la valeur faciale totale s’élevait en 2022 à près de 8,5 milliards d’euros. Nés à la fin des années 60, ils sont utilisés aujourd’hui par plus de 5 millions de salariés pour régler des repas ou des prestations alimentaires chez quelques 234 000 commerçants agréés par la CNTR pour recevoir les titres-restaurant en paiement desdits repas ou prestations. Ce dispositif, exempté de cotisations sociales et patronales et d’impôt sur le revenu, est subventionné par les pouvoirs publics à hauteur d’environ 1,5 milliard d’euros par an.
Partant du constat d’un déséquilibre important entre les commissions, relativement faibles, payées par les entreprises qui achètent les titres-restaurant pour leurs salariés d’un côté, et, de l’autre côté, les commissions, relativement élevées, payées par les commerçants agréés, le gouvernement envisage le plafonnement de ces dernières. Le gouvernement étudie par ailleurs le scénario d’une généralisation de la dématérialisation des titres-restaurant.
Le marché des titres-restaurant est un marché biface. Face émission, les émetteurs émettent et commercialisent leurs titres auprès des entreprises pour le compte de leurs salariés. Face acceptation, chaque émetteur acquière ses titres-restaurant auprès des commerçants agréés par la CNTR en vue de leur remboursement, il ne peut acquérir les titres émis par des tiers.
Face émission, les entreprises ne font appel en général qu’à un seul émetteur (mono- domiciliation). Face acceptation, les commerçants agréés acceptent en général les titres de plusieurs émetteurs (multi-domiciliation), voire tous, ce qui leur permet de maximiser leurs ventes.
L’Autorité observe une forte progression de l’émission de titres dématérialisés, dépassant aujourd’hui l’émission de titres-papier (60 % en 2022). Le marché des titres-restaurant est également marqué par la cessation récente d’activité de la Centrale de Règlement des Titres (« CRT »), qui assurait, depuis une cinquantaine d’années, la collecte et le traitement des titres-papier, entraînant également la quasi-disparition des tarifs de remboursement différés auxquels sont appliqués les taux de commission les plus faibles.
Partant de ces constatations, l’Autorité relève l’existence de défaillances de marché, au premier rang desquelles l’existence de barrières à l’entrée, à l’expansion et à l’innovation, et surtout l’existence d’un pouvoir de marché.
S’agissant des barrières, l’Autorité relève notamment, du fait de la structure du marché des titres-restaurant, l’existence d’effets de réseau et d’économies d’échelle, tous deux de nature à conférer un avantage concurrentiel aux entreprises ayant une certaine taille, et particulièrement celles qui bénéficient d’une notoriété et d’une légitimité du fait de leur présence historique. Elle constate également certains freins à la dématérialisation et à l’entrée de nouveaux acteurs. L’Autorité relève enfin l’existence de barrières de nature quasi-règlementaire. Le dispositif des titres-restaurant est en effet régi par les dispositions du code du travail qui prévoient une liste d’obligations à la charge des entreprises proposant des solutions de titres-restaurant, mais ne définissent aucune procédure d’agrément officiel. Il apparaît cependant en pratique que la CNTR exerce de fait cette prérogative.
S’agissant du pouvoir de marché, l’Autorité relève la concentration du marché, dominé depuis plusieurs dizaines d’années par les quatre principaux émetteurs (Edenred France, Bimpli-Swile, Sodexo Pass France et Up Coop), dont la part de marché cumulée était supérieure à 99 % en 2022. Par ailleurs, chaque émetteur dispose d’une exclusivité sur les titres qu’il émet, puisqu’il est le seul, en l’état actuel du fonctionnement du marché, à pouvoir les acquérir pour les rembourser. L’Autorité observe également d’autres dysfonctionnements, manifestations du pouvoir de marché des émetteurs historiques, telles que la hausse tendancielle des taux de commissions globales, un manque de transparence des tarifs, ou encore l’existence d’asymétries d’information, notamment entre les commerçants agréés et les émetteurs.
Ainsi, si les taux de commission moyens effectifs face émission ont baissé entre 2018 et 2022, le taux moyen de commission devenant même négatif pour certains émetteurs, à l’inverse, face acceptation, les taux de commissions moyens effectifs ont augmenté durant la même période. En conséquence, les commissions face acceptation ont plus augmenté en valeur que les commissions face émission n’ont baissé. Cela a entraîné une hausse du taux de commission global (c’est-à-dire la somme des revenus sur les deux faces rapportée à la valeur faciale totale émise).
À la lumière de ces constatations, l’Autorité considère que l’instauration du plafonnement tarifaire envisagé ne constitue pas la réponse la plus adaptée aux défaillances de marché identifiées. Une telle mesure aurait des effets incertains, entraînerait des difficultés pratiques de mise en œuvre et ne corrigerait pas les dysfonctionnements constatés sur le marché des titres-restaurant. D’une part, en effet, elle risquerait de conduire à un alignement des commissions payées par les commerçants au niveau du plafond et à un renchérissement uniforme de ces commissions d’acceptation avec in fine des effets incertains sur la demande d’émission de titres-restaurant. D’autre part, elle soulèverait des difficultés pratiques de mise en œuvre. Si le gouvernement décidait d’instaurer un plafonnement tarifaire des commissions acceptation, une évaluation approfondie de tous les éléments nécessaires à sa mise en œuvre devrait être menée, notamment en termes de communication sur les montants effectivement facturés, de contrôle de la mise en œuvre de la mesure et d’évaluation de ses effets globaux sur les faces acceptation et émission.
Afin d’atténuer le pouvoir de marché des émetteurs, l’Autorité recommande au gouvernement de rééquilibrer de manière structurelle le rapport de force sur le marché des titres-restaurant en mettant un terme au monopole exercé par chaque émetteur sur les titres qu’il émet vis-à-vis des commerçants agréés.
De plus, l’Autorité invite le gouvernement à instaurer une gouvernance globale du marché des titres-restaurant, par la mise en place d’une régulation tant de l’agrément des émetteurs que de celui des commerçants. L’Autorité recommande de mettre en œuvre d’autres mesures spécifiques telles que la dématérialisation obligatoire des titres-restaurant, en prévoyant un délai de prévenance adapté pour que les acteurs du secteur puissent mettre en œuvre le basculement généralisé vers les titres dématérialisés. Elle estime aussi nécessaire de rendre les tarifs plus transparents et plus lisibles, par exemple en rendant obligatoire d’afficher l’équivalent d’un taux effectif global.
Origine de la saisine | Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique |
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